par Fadi Assaf.
Faisant partie désormais des enjeux économiques en Méditerranée, le potentiel gazier offshore du bassin oriental suscite des convoitises locales, régionales et internationales, et complique encore plus une carte géopolitique torturée. La Turquie, Chypre, Israël, la Syrie et le Liban défendent, chacun comme il le peut, son potentiel gazier en Méditerranée, non sans attiser une compétition déjà existante le plus souvent, sinon une animosité claire, entre les riverains d’une même zone maritime riche en hydrocarbures. Pour les divers acteurs, y compris les compagnies internationales susceptibles de s’intéresser au potentiel économique du gaz méditerranéen, le climat de tension qui pèse sur la région d’une manière générale, et les conflits territoriaux dans certains cas, font planer une grande part d’incertitude sur l’exploitation des champs gaziers.
La sécurité des installations gazières offshore est une problématique que les compagnies connaissent parfaitement bien à travers le monde, là où les richesses naturelles attisent les rivalités nationales et provoquent parfois des conflits armés. Le terrorisme et la piraterie constituent deux menaces supplémentaires sur les installations offshore à travers le monde. Au Liban, la protection, militaire, des installations gazières offshore est déjà au centre de tous les intérêts. Les partenaires internationaux et les compagnies exploitantes savent parfaitement qu’ils s’invitent dans une zone de tensions, dont les limites sont contestées par les pays concernés, et sauront intégrer ce risque dans leurs calculs. Plus ce risque sera faible, plus l’Etat libanais sera en position de force pour négocier ses accords de partenariat et d’exploitation, et plus le Liban et les populations libanaises profiteront des retombées du gaz offshore. Le Liban sait qu’il doit offrir l’environnement politique, juridique, sécuritaire, économique, le plus avantageux, pour espérer obtenir les conditions optimales pour l’exploitation de ses richesses gazières.
L’Etat libanais gère, tant bien que mal, les dossiers liés à la délimitation des zones contestées avec Israël et Chypre, et n’exclut pas de recourir à un arbitrage international. Le gouvernement, enlisé dans ses interminables blocages, planche, via son Ministère des Affaires étrangères notamment, sur la délimitation de l’espace maritime libanais. Le Ministère de l’Energie poursuit la préparation des outils juridiques et organisationnels, afin de lancer les appels d’offres internationaux et de manager cette activité nouvelle dont on prévoit de gérer les retombées financières dans le cadre d’un autre outil nouveau pour le Liban, un fond souverain. Les autres ministères souverains ne sont pas loin, surtout le Ministère de la Défense qui reste le principal acteur sur le terrain en matière de délimitation de l’espace maritime national.
L’Armée libanaise, qui est assistée dans ses fonctions opérationnelles au sud du Litani par la FINUL, bénéficie, en mer également, d’une contribution directe et utile des navires de la force onusienne. Cette assistance internationale sera nécessaire au début de l’exploitation des champs gaziers libanais, qui sont situés face au littoral sud du Liban. Mais elle ne sera pas suffisante. La FINUL marine, pendant la durée de son mandat, contribuera, dans le cadre de sa surveillance de l’espace maritime libanais et international dans le cadre de la résolution 1701, à assurer un environnement stable pour l’exploitation des gisements gaziers offshore. Mais là encore, cela ne constitue ni une garantie absolue, ni une protection absolue.
[quote]Les pays étrangers intéressés par l’exploitation du gaz offshore libanais, et leurs compagnies, ne doivent-ils pas plancher sur un package-deal qui intègrerait la sécurité des installations gazières et leurs dépendances?[/quote]
La protection militaire des installations offshore, nécessaire même dans un contexte géopolitique plus serein et en dépit de la vigilance internationale, incombera aux autorités libanaises. Aujourd’hui encore, l’Armée libanaise n’a pas les moyens technologiques et opérationnels pour remplir une telle mission. Dès l’entée en jeu, officiellement, du gaz offshore, le Hezbollah s’est aussitôt invité dans la danse, menaçant d’entreprendre des représailles contre toute atteinte aux richesses énergétiques du Liban. L’approche est logique et cohérente; en l’absence d’une véritable stratégie de défense nationale, le Hezbollah, qui constitue une des principales composantes politiques et confessionnelles au Liban, s’étant érigé en défenseur des intérêts nationaux face à Israël. L’organisation, qui a réussi à endommager un navire de guerre israélien en 2006, a les moyens de sa politique, et peut dissuader les Israéliens de s’en prendre aux intérêts gaziers du Liban. L’Armée libanaise n’a pas les moyens balistiques et technologiques que le Hezbollah a pour ce type d’opérations, et la « dissuasion » ne fonctionnera pas sans la détermination que l’organisation chiite affiche face aux Israéliens. La répartition des rôles entre le Hezbollah et l’Armée libanaise, qui doit être réévaluée un jour dans le cadre de la « stratégie de défense nationale », reste une affaire libanaise interne, ce qui crédibilise encore plus la stratégie de dissuasion brandie par le Liban, via le Hezbollah, pour défendre ses richesses gazières offshore.
Pour les partenaires extérieurs, cette stratégie comprend en elle-même une part non négligeable d’instabilité, et donc de risques et d’insécurité. Les pays étrangers intéressés par l’exploitation du gaz offshore libanais, et leurs compagnies, ne doivent-ils pas plancher sur un package-deal qui intègrerait la sécurité des installations gazières et leurs dépendances? La dissuasion fonctionnerait encore mieux probablement, si des technologies avancées sont mises à la disposition de l’Armée libanaise dans le cadre de l’exploitation des richesses gazières. D’autant que dans ce cas-là, le Hezbollah se ferait plus discret, et se placerait, en attendant une redéfinition éventuelle de la stratégie de défense nationale, bien derrière l’Armée libanaise…
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