Par Fadi Assaf.
Les pressions diplomatiques, économiques et médiatiques s’accentuent sur le régime du Président syrien Bachar el-Assad, alors que le plan Annan est en péril, que la violence croît, et que l’Opposition peine à atteindre le seuil de crédibilité requis pour que son projet alternatif soit recevable. L’intervention militaire, bien que compliquée à organiser d’un point de vue opérationnel, n’est plus un sujet tabou. Cela doit faire partie de la guerre psychologique menée contre Assad. Mais cela signifie clairement une radicalisation de la position internationale à l’égard de la Syrie, même si, à ce stade encore, la position de la Russie et de la Chine empêche une entreprise guerrière pour renverser le régime syrien.
Après les diplomates et les dirigeants politiques, et après une série de mesures prises contre la Syrie individuellement par plusieurs pays, ou collectivement, ou encore en concertation, les militaires commencent à être sollicités pour se joindre aux pressions. Les techniciens apportent un crédit supplémentaire aux mises en garde politiques et diplomatiques, mais, en dépit du poids incontestable du complexe militaro-industriel, ils n’engagent pas eux-mêmes leurs pays dans une guerre. Les déclarations des chefs militaires des principaux pays de l’Otan, les Etats-Unis notamment, sur la capacité de leurs armées à faire la guerre contre la Syrie étonnent, puisqu’elles rapportent une évidence incontestée: si les blocages internationaux sont levés, si les soutiens et relais régionaux sont trouvés, si les gouvernements décident une action militaire, les armées interviendront. C’est une double évidence, car elles en ont largement les moyens, et surtout, les armées, dans les démocraties, s’exécutent… Les incertitudes sont ailleurs.
Non pas qu’il soit souhaitable de ménager une dictature et d’opter pour l’immobilisme par crainte des incertitudes liées à l’action elle-même, mais il est vital de procéder à une évaluation globale et objective des risques actuels et à venir. Le Président français sortant Nicolas Sarkozy a foncé, tête baissée, vers la guerre en Libye, une guerre dont les techniciens, les militaires, sont fiers d’avoir réussi avec un coût optimal. Mais les politiques peuvent-ils l’être également, vu la situation dans laquelle se trouve depuis la Libye, et vu le bilan catastrophique de l’initiative française? La même question se pose aux Américains en Irak et en Afghanistan. La supériorité militaire et technologique écrasante d’une puissance internationale est cruciale pour provoquer le changement voulu, manu militari, et cela n’est pas contestable. Mais quid de la gestion de la crise et de l’après-guerre? Quid des dommages collatéraux?
Ainsi, si la décision de provoquer un changement de pouvoir en Syrie, par tous les moyens, était prise, dans le cadre d’un arrangement international, et si elle était justifiable sur le plan humain et stratégique, et si aussi les moyens militaires étaient disponibles, cela devrait-il automatiquement impliquer une aventure guerrière? Les précédents, catastrophiques, de l’Afghanistan, de l’Irak et de la Libye, ne devraient-ils pas pousser à recentrer l’exercice vers autre chose qu’une simple action militaire? L’instabilité et la précarité découlant des changements brusques dans le monde arabo-musulman ces dernières années, y compris les changements provoqués sans intervention militaire directe extérieure (Tunisie, Egypte, Yémen), ne poussent-elles pas à une réévaluation générale de l’approche adoptée jusque-là par les puissances internationales?
Ne faut-il pas commencer par stabiliser le cadre général, comme anticiper les dommages collatéraux inévitables dans le cas d’une guerre extérieure contre la Syrie, et prévoir des plans de sauvetage immédiatement implémentables pour éviter de se retrouver devant un scénario chaotique et déstabilisateur à l’afghane, à l’irakienne et à la libyenne? C’est une sorte de package-deal qu’il convient impérativement de rechercher, pour éviter un saucissonage dangereux de l’action générale qui vise au départ à améliorer une situation inacceptable et qui risque de se gripper très vite et de se limiter à une opération militaire. D’ailleurs, quel pays ou groupe de pays se portera volontaire aujourd’hui pour être le moteur d’une telle aventure guerrière aux implications si imprévisibles? Les volontaires manquent, en effet, et aucune puissance internationale ne semble en mesure de jeter la première pierre, ou la première bombe, contre Damas. Le régime syrien doit le percevoir ainsi, et continue d’agir en excluant de ses calculs le risque d’une action militaire extérieure….
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