Tout est fait pour que le Hezbollah soit entraîné dans une guerre confessionnelle au Levant, alors que la révolution sunnite contre le régime alaouite allié du Hezbollah et de l’Iran s’intensifie et se radicalise. Le mouvement parvient toujours aujourd’hui à imposer à ses bases une discipline exemplaire dans une conjoncture aussi tendue, alors qu’il refuse, en tant qu’organisation militaire, à se laisser piéger dans le conflit syrien et plus largement dans une fitna confessionnelle qui dépasse le Liban et la Syrie.
Au Liban, le Hezbollah et le mouvement Amal, et avec eux la majeure partie de la communauté chiite, subissent des provocations verbales et sur le terrain aussi, et refusent toujours de réagir par la violence : le discours politique du camp sunnite et plus généralement du Mouvement du 14 Mars anti-Assad, vise directement le Hezbollah, son armement et ses alliances extérieures (Iran, Syrie), alors que la montée en puissance d’un sunnisme militant radical (Salafiste, al-Qaëda ?) se fait aussi sur le dos de la communauté chiite, en plus de la haine du régime alaouite syrien ; les relais sunnites du Hezbollah sont la cible directe des militants du Courant du Futur, y compris à Beyrouth, alors que les alliés alaouites de l’organisation chiite à Tripoli et dans le nord subissent une pression intenable de la rue sunnite ; des tensions confessionnelles sont perceptibles aussi entre les militants du Hezbollah et ceux du 14 Mars, chrétiens (Kataëb) et sunnites (Courant du Futur), sur les campus universitaires et dans certaines régions. En Syrie, à Alep, des pèlerins libanais, proches du Hezbollah et d’Amal, de retour des lieux saints chiites, ont été enlevés le 22/05 par des parties identifiées de manière plutôt confuse comme étant de l’Armée Libre de Syrie, alors que d’autres pèlerins, de retour vers le Liban par la route syrienne, étaient visés le 23/05 par un attentat meurtrier à proximité de Bagdad.
Les dirigeants du Hezbollah et d’Amal arrivent encore à contenir la colère de leurs bases (alors que la base sunnite échappe de plus en plus au leadership politique) mais la question est de savoir jusqu’où ira cette retenue ? Et comment se déversera cette colère en cas de dérapage ? Et contre qui ? Les dirigeants du Hezbollah et d’Amal espèrent une libération rapide de leurs sympathisants enlevés en Syrie, afin de ne pas devoir mettre une pression plus grande sur leurs bases au cours de la présente phase, et d’éviter des dérives incontrôlées. D’autant que, dans ses calculs, le Hezbollah, patient et tenace, voit surtout son intérêt dans une traversée discrète de la tempête régionale, en attendant une meilleure visibilité en Syrie et en Iran…