Cyberespace « MENA » : un nouvel ensemble géopolitique virtuel

Par Fadi Assaf.

Le groupe des Anonymous fait parler de lui au Moyen-Orient, où il n’hésite pas à surfer sur la vague de l’actualité abondante pour agir bruyamment : Anonymous lance des attaques contre le serveur email de la Présidence syrienne et dévoile les mails privés de la famille du Président Bachar el-Assad en plein soulèvement populaire ; le collectif pirate des sites officiels de l’Etat libanais de manière répétée, et se joint à la contestation populaire et politique contre le gouvernement ; les pirates de l’informatique embarrassent Washington en dévoilant leurs interceptions sur l’affaire Benladen… ; Israël, dans son bras de fer avec l’axe syro-iranien, exploite les documents « hackés » par Anonymous, pour intensifier sa propagande contre les régimes de Damas et de Téhéran, etc.

La « toile » devient, au Moyen-Orient aussi, un théâtre d’opérations particulièrement sensible, et accède, progressivement, au rang « d’arme de destruction massive ». Les révolutionnaires tunisiens, égyptiens, libyens, bahreïnis, syriens, etc., ont exploité les réseaux de la toile « libre » pour s’organiser et pour forcer la voie du changement. Et souvent, discrètement, ils bénéficient d’un coup de pouce de l’extérieur afin de parvenir à une exploitation optimale du cyberespace…

Ainsi, pour les pouvoirs en place, peut-être aussi pour les nouveaux pouvoirs issus des révolutions malheureusement, le cyberespace devient un double front : un front interne, face à « l’ennemi de l’intérieur », et un front extérieur face aux menaces et aux dangers environnants. Comme toute menace prise très au sérieux, l’information augmentée par le web « libre » inquiète les pouvoirs qui imposent des contraintes à la circulation des données, en limitant les accès sensibles et en accroissant la surveillance des réseaux, et planifient des contre-attaques en fonction des moyens et des ambitions. Les pays de la région connaissent tous, pratiquement, la censure sur la toile, à des degrés divers. Deux cas sont à signaler, celui du Liban et celui de l’Iran.

Au Liban, pays de la liberté de la presse, les médias électroniques sont menacés par un projet de loi supposé réglementer le secteur, et qui aboutira forcément à d’innombrables contraintes pour la circulation de l’information. C’est un tournant dans la vie politique, sociale et intellectuelle d’un pays qui fut longtemps un modèle de libertés, dans un environnement pour le moins obscurantiste, surtout pour les médias. En Iran, il est question de substituer la toile mondiale par une toile locale. Carrément. On annonce l’installation, dès septembre, d’un Intranet qui sera à la disposition des Iraniens, version république islamique, déconnecté du réseau mondial. Les sites consultables sont sélectionnés, les réseaux sociaux « importés », prohibés (Facebook, etc.). Contrôler l’information pour contrer l’ennemi de l’intérieur et éloigner les menaces extérieures « électroniques ». Grande ambition, que seul l’Iran ose envisager aujourd’hui. A suivre.

La cybersécurité, dans son volet défensif (protection de l’information) et aussi offensif (déstabilisation de l’adversaire), devient une obsession pour l’ensemble des Etats de la planète, pour leurs institutions sensibles et pour les grandes entreprises, victimes de plus en plus d’attaques électroniques, de vols de données et d’espionnage, d’escroqueries, et de toutes sortes de cyber-attaques. Le marché est estimé en 2011 à $60md (estimation du cabinet de conseil PwC). Les grands du secteur de la sécurité et de la défense surfent sur cette nouvelle opportunité. Le marché du Moyen-Orient devrait s’ouvrir à eux très progressivement. Une question d’assimilation, de moyens et d’ambitions.

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