Par Fadi Assaf. Rédigé le 30 Avril 2012.
L’Armée libanaise a annoncé avoir arraisonné le 27/04 dans les eaux territoriales libanaises un navire, le Lutfallah-2, transportant des armes en provenance de Libye, via le port d’Alexandrie et un port turc (selon le quotidien beyrouthin Assafir du 30/04). Le navire, qui bat pavillon du Sierra Leone et dont les membres d’équipage sont interrogés par les autorités libanaises, transportait trois conteneurs d’armes, de munitions et d’explosifs, y compris des armes lourdes (dont des mortiers de 120mm, des missiles antichars et des missiles sol-air). Il était destiné, semble-t-il, aux rebelles syriens. Il a été acheminé vers le port de Selaata au nord du Liban.
En attendant les résultats des enquêtes menées par les autorités libanaises compétentes, et l’annonce éventuelle de ces résultats, les spéculations vont bon train sur cette affaire qui soulève une série d’interrogations à chaud :
– sur la destination finale du navire : est-ce la Syrie ou le Liban ?
– sur l’objectif d’un tel armement illégal : s’agissait-il d’alimenter le conflit à l’intérieur de la Syrie, ou de préparer le terrain à des actions sur le territoire libanais ou à partir du territoire libanais vers la Syrie ?
– sur l’implication éventuelle de Libanais : selon les premières informations, il n’y aurait pas de Libanais parmi les 11 membres d’équipages arrêtés ;
– sur la solidité de la coordination entre les services de sécurité libanais : un ex-militaire reconverti en politique, s’interrogeait le 29/04 sur la télévision NBN si une telle opération pouvait être planifiée sans un quelconque relais libanais y compris dans les services de sécurité ?
– sur la nature même du matériel saisi : les armes et explosifs saisis laissent supposer que la cargaison est destinée à des opérations militaires (qui pourraient modifier la donne, avec les systèmes antichars et antiaériens notamment) et à la préparation d’attentats également (explosifs) ;
– sur le financement de telles opérations : on a tendance à penser, comme ce fut le cas en Libye, à l’Arabie saoudite et au Qatar lorsqu’il s’agit de financer de telles opérations : cela peut-il se faire sans une coordination internationale plus large ? La même question se pose si le financement est assuré par des hommes d’affaires syriens basés dans le Golfe (Arabie saoudite) comme le révèle Assafir (30/04)…
On peut s’interroger également sur le rôle de la FINUL (qui assure avoir joué pleinement son rôle dans cette affaire, comme prévu dans sa mission, pas plus), qui déploie des bâtiments au large du Liban dans le cadre de la FINUL Marine, pour tenter d’évaluer le degré de convergence actuellement entre l’axe saoudo-qatari et la communauté internationale sur cet aspect particulier de la crise syrienne. Deux thèses sont à creuser :
– Le navire a été arraisonné par l’Armée libanaise ET la FINUL Marine :
La première thèse attribue un rôle central à la FINUL marine dans l’identification et l’arraisonnement du navire. L’analyse qui soutient ce point de vue repose sur une volonté internationale de calmer le jeu, autant que possible, en Syrie, et d’éviter une escalade au nord du Liban. Selon cette analyse, l’entrée en scène en Syrie d’observateurs internationaux, alors que Washington et Paris notamment optent pour une limitation de la violence dans ce pays en attendant une éventuelle issue politique, aurait encouragé la FINUL à davantage de vigilance actuellement. Toujours selon cette analyse, les Saoudiens et les Qataris ne seraient pas pour une accalmie, et entendent poursuivre leur assistance logistique, diplomatique, financière, médiatique, aux opposants (sunnites) au régime (alaouite) de Bachar el-Assad, d’où la poursuite de l’acheminement d’armes vers la Syrie et peut-être aussi vers le Liban, contrairement à une certaine volonté internationale.
– Le navire a été arraisonné par l’Armée libanaise SANS la FINUL Marine :
Une thèse opposée circule selon laquelle, la FINUL serait « complice », quelque part, de ces opérations d’acheminement d’armes vers la Syrie. Dans ce cadre, un analyste affirme que c’est l’Armée libanaise et elle seule qui a arraisonné le navire, allant jusqu’à suggérer, dans un talk-show télévisé le 29/04 sur la NBN, l’existence d’une complicité de la FINUL dans cette affaire de contrebande d’armes vers la Syrie (ou le Liban). Il laisse supposer que la FINUL joue le jeu de ceux qui souhaitent attiser la violence et le conflit en Syrie.